Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 09:27

Le SCAN 20

 

© Jacques Moulin 2012.

 

img371-1-copie-1.jpg

 

 

Profil du SCAN 20 n° 5 de la 53.S à moteur Béarn. (C) Jacques Moulin.

 

Historique sommaire

 

Le S.C.A.N. 20 est un hydravion monomoteur quadriplace français très méconnu. Construit en petite série (25 exemplaires : 23+2 prototypes), il était destiné à l’école de pilotage de l’Aéronautique Navale et au tourisme. Il était construit par la société SCAN (Société de construction aéronavale de Port-Neuf à ne pas confondre avec la SNCAN ou Société Nationale de Construction Aéronautique du Nord) à La Rochelle (Charente-Maritime), usine fondée et dirigée alors par Léon Douzille.

 

C’est avec l’aide d’un autre ingénieur aéronautique, Bernard Deveze, qui était jusqu’à son arrivée à La Rochelle ingénieur, chef d’études aux établissements Potez à Méaulte, qu’il conçut le SCAN 20.

 

Le prototype avait été construit dans le secret, en 1941, en réponse à un projet de marché émis en 1940. La construction démarra avec l’accord tacite des autorités françaises et sans observations de la Commission d’Armistice.

 

Après l’invasion de la zone sud, l’usine située en bord de mer fut détruite volontairement par les Allemands sous le prétexte de défense de la côte contre les intrusions. Le proto n° 01 presque terminé et le 02, alors en construction, furent cachés dans des fermes différentes du nord de la Charente, cela leur permit de ne pas être pris dans les « poches de l’Atlantique » et d’échapper ainsi à la destruction.

 

 

 

Photo-13-img387

 

SCAN 20 n° 01 moteur Béarn 6.D de 325 ch à Argenteuil 1945.  

 

Etrangement c’est en août 1943 que le marché pour deux prototypes fut régularisé. Il portait le numéro 2113/43 en date du 22 août 1943. Les appareils restèrent dans leur refuge jusqu’à la Libération en août 1944. La construction du n° 02, qui était à peine débutée en 1943, avait continué dans des granges jusqu’à la Libération. Les deux prototypes étaient pratiquement terminés en 1944, mais les moteurs Béarn n’étaient pas encore livrés et, comme cet approvisionnement était du domaine de l’Etat, cela ne posait pas de problème pour la SCAN.

 

Le 17 octobre 1945 un marché pour 25 appareils fut passé, il portait le numéro 295/45.

 

Pourtant si la construction des hydravions va bon train, ce n’est pas le cas des moteurs Béarn. Si le premier prototype fut bien finalement équipé du moteur prévu, le prototype numéro 02 fut lui équipé de moteur Potez 8D de 320 ch, moteur également prototype, étudié pour le Potez 75 et destiné à être monté en propulsif. Le SCAN 20 n° 02 fut par la suite remis au standard « Béarn » en 1947 après les essais au CEV.   

 

 

 

Photo-4-img379

 

SCAN 20 53S-10 en vol.

 

Finalement le prototype n° 01 qui effectua son premier vol le 6/10/1945, entra le 2 mai 1946 au CEV de Marignane, rejoint par le n° 02. Les essais sont menés par le LV Mauban, qui remarque de nombreux défauts de fabrication. Le n° 02 est aux essais à Hourtin en mars 1947, puis à Biscarosse.

 

La construction des appareils de série est, elle, effectuée à Argenteuil, la série sera fabriquée rapidement mais, faute de moteurs, les appareils sont immédiatement stockés. Les choses n’évoluent pas, les moteurs sont toujours en attente et cela dure pendant toute l’année 1948 et continue pendant les années 49 et 50. Les moteur Béarn ne seront finalement livrés que début 1951, avec plus de cinq années de retard. Le montage des moteurs sur les cellules se fait rapidement et, à la mi-mai 1951, six SCAN 20 ont été réceptionnés par la Marine et transférés à Saint-Mandrier.

 

A cette époque la SCAN traverse une passe difficile. Le patron, Léon Dauzille, se tue dans un accident d’avion. Il pilote un SCAN 30, dans les nuages il percute une montagne en Espagne en revenant d’une réunion d’affaires à Lisbonne en avril 1948. Le crash a lieu près du village de Pineda de la Sierra dans le massif de la Demanda, en Espagne.

 

La société continua d’abord en poursuivant la fabrication des hydravions (SCAN 20 et SCAN 30) puis, plus tard, reprit ses fabrications originelles dans les fermetures pour le bâtiment. L’usine disparut dans les années 1980.

 

 

Photo-1-img375

 

 

SCAN 20 n° 5 sous la grue de Karouba (Tunisie) au deuxième plan un Dornier Do24T.

 

     

Une bonne partie des appareils terminés et livrés à la Marine seront stockés à Aspretto en Corse, où ils seront malheureusement exposés à une humidité presque constante, ce qui produira des problèmes de pourrissement de la coque réalisée en bois.

 

Quelques appareils seront toutefois affectés à diverses escadrilles ou flottilles, d’abord l’escadrille 53 S basée à Karouba (Tunisie). En 1952 l’escadrille possède trois SCAN 20. Toutefois seul le 53.S.10 est connu en photo. Les SCAN seront réformés début 1954.

 

Une autre escadrille sera équipée de quelques SCAN. C’est la 33.S basée à Saint-Mandrier (dans la baie de Toulon). Les appareils ne volent que très peu, ils seront tous condamnés fin 1953.

 

Les autres appareils seront mis au rebut avant d’avoir été affectés dans une unité.

 

Le problème de pourrissement de la coque avait été découvert en partie sur les appareils affectés à la 53.S, qui avait décidé un renforcement de la coque, mais c’est lors d’un examen des appareils stockés à Aspretto, pour une éventuelle affectation, que l’étendue du désastre est révélée, les appareils seront tous réformé fin 1953 et début 1954.

 

 

 

 

plan-3-img371 (3)

 

 

Voilà le constat de décès des SCAN 20, par le CF.Aragnol (1) en 1973 ! (texte publié dans le TU n° 123) :

 

Le SCAN 20 - Construits à la Rochelle, sous warrant (garantie) de l’Etat, avec des matériaux du temps de guerre, ils ont été victimes de deux erreurs de la Marine, dont la première s’ajoutait à une erreur de constructeur.

 

1) – Le moteur Béarn 6-D(…) exigeait un bon refroidissement, prévu pour voler à 250 à 300 à l’heure. Il était donc très handicapé sur une machine volant à 175 km/h. (2)

 

2) - Première erreur de la Marine : le S.C.Aéro, sans tenir compte de ces réalités, a exigé que les SCAN puissent hydroplaner depuis le slip de la BAN d’Hourtin jusqu’au milieu du lac… (et retour après vol) et on a dépensé beaucoup de temps, beaucoup d’argent, pendant que les avions s’abimaient, pour faire des carénages, mettre des turbines de ventilation forcée sur les GMP, entrainées par le moteur !!…alors que le SCAN 20, à coque amortie, n’avait pas été étudié pour Hourtin.

 

3) - Deuxième erreur marine : quand ces avions ont été réceptionnés, ils ont été très « mouillés » après des années de séchage (ils comptaient plusieurs années de stockage pendant les fameux essais ci-dessus). L’humidité a pénétré dans les bois et les a pourris. Il aurait fallu s’en servir rapidement, en donner deux ou trois par base : plus on « assouplit » les pilotes en leur faisant piloter des matériels différents, moins on a d’accidents par fautes de pilotage. On a stocké les SCAN à Aspretto… et quand on a voulu les remettre en service, ce nouveau séjour au sec de bois imprégné avait tout cassé ; une coupe à la scie a montré une sorte d’étoupe au lieu de quille et carlingues.

 

                                                  

 

Cet avis conforte bien l’avis assez général sur le moteur Béarn, et d’ailleurs tous les appareils qui ont choisi le moteur Béarn, ont rencontré des problèmes de livraison et de fiabilité. Le seul appareil construit en série en dehors des SCAN 20 était le MD 30, qui devint le « Flamant » et dont la motorisation pour la série se fit avec des moteur Renault.

 

 

 

Photo-7-img381

       

SCAN 20 n° 01

 

         

Description technique :

 

    

Le S.C.A.N. 20 était un quadriplace 2+2 et avait été conçu pour répondre à une demande de la Marine émise en 1940 pour un petit hydravion d'entraînement et de liaison.

 

C’était un hydravion monoplan cantilever, aile haute posée sur le dessus de la coque. Le moteur était monté au-dessus de la cabine sur un chevalet, avec hélice propulsive.

 

La construction était réalisé en bois « densifié » et moulé, une technique nouvelle (peut-être mal maitrisée ?) pour l’époque. Le reste était classique, la voilure d’une seule pièce en treillis revêtu de contreplaqué de bouleau de trois millimètres d’épaisseur, le tout constituant un caisson indéformable pour un poids minimum.

 

La coque était constituée d’une armature continue avec des couples classiques revêtus de contreplaqué.

 

Le moteur était monté sur un chevalet par l’intermédiaire de quatre amortisseurs.

 

Le radiateur d’huile était monté à l’avant du fuseau moteur, le refroidissement des cylindres pouvait être augmenté par un ventilateur qui aspirait l’air à travers le radiateur d’huile et le refoulait par des couloirs à travers les ailettes des cylindres.

 

Un autre ventilateur concentrique à l’hélice était commandé directement par le moteur et celui-ci aspirait l’air à travers le même circuit.

 

Quelque modifications visibles furent apporté au prototype : dérive agrandit et modifié, casserole d’hélice, haubans renforcé etc. 

 

Conclusion du CEV sur le SCAN 20. (2)

 

Les essais effectués au CEV ont été assez complets pour permettre de porter un jugement motivé sur le SCAN 20 muni du moteur Potez 8D.

 

Ce moteur étant prototype et n’ayant pas été monté sur la série, il n’y a pas lieu de porter de jugement sur le GMP. On doit cependant signaler que son fonctionnement excellent a facilité les essais.

 

L’appareil lui-même s’est montré, robuste bien que des mises au point et renforcement de détails aient été nécessaires au cours des essais. Par contre son entretien s’est avéré délicat et on peut lui reprocher de manquer de rusticité. D’autre part la construction en bois, si elle présente d’incontestables qualités de facilité de réparation entraine une sensibilité aux éléments atmosphérique (hydrométrie, température, soleil) qui limitera peut-être l’utilisation coloniale de cet appareil. Aucun essai n’a d’ailleurs été effectué en ce sens.

Les essais ont montré de bonnes qualités de vol, et une grande facilité et agrément de pilotage en l’air. La manœuvre à l’eau exceptionnellement aisée. Les performances en vol sont correctes. La vitesse de croisière est légèrement supérieure à 180 km/h, la distance franchissable passe de 800 km avec 4 personnes à 1200 km avec réservoir supplémentaire (deux personnes à bord). Par contre le décollage très long (franchissement des 20 m au bout de 1000 m en surpuissance) constitue un grave handicap. 

Les essais de houle n’ont pas été faits au moment de la rédaction de ce rapport, toutefois l’appareil se comporte bien par clapotis de 40 cm environ accompagné d’un fort vent. 

Les installations de bord sont correctes et moyennant de petites modifications peuvent convenir aux missions prévues. Par contre la qualité des instruments de pilotage (planches de bord LMT) est très mauvaise. La plupart de ces instruments sont inutilisables. 

Pour la mission école, en dehors des servitudes d’entretien que peuvent amener de fréquents et pénibles décollages en surpuissance, on peut reprocher à l’appareil d’être peu adapté aux changements fréquents d’élèves, de posséder des qualités de manœuvre à l’eau anormalement bonnes pour un hydravion et enfin de n’être pas assez rustique pour un emploi intensif. 

Par contre on peut retenir à son avantage la disposition côte à côte, le confort et les qualités de vol qui se rapprochent de celles d’un terrestre moderne. 

Pour la mission liaison, l’appareil présente beaucoup de qualités, malheureusement, il supporte le handicap d’un décollage trop long, interdisant l’emploi de plans d’eaux restreints, ce défaut étant heureusement atténué par des qualités de manœuvrabilité au cours de décollage qui permettront d’utiliser des plans d’eaux non rectiligne. Sa vitesse est relativement faible pour un appareil de liaison (180 km/h) mais son rayon d’action très suffisant (800 km et 1200 km avec réservoir supplémentaire). 

En conclusion, le SCAN 20 semble mieux adapté à la mission liaison qu’à la mission école pour laquelle il ne présente toutefois aucun vice rédhibitoire. 

Marignane le 12 février 1947

 

Signé               LV Thabaud, chef de la section utilisateur

 

Ing en chef Quenin sous-directeur technique chef du service ESSAIS

 

Ing en chef Cambois Directeur du Centre d’Essais en Vol.

 

© Jacques Moulin 2012.

 

 

 

(1) Le CF. (H) Aragnol était le commandant de l’escadrille de réception et de convoyage de la Marine de 1949 à 1952.

 

(2) Les essais du CEV ont été réalisés sur le prototype n° 02 équipé de moteur Potez, cela put modifier les résultats, le moteur Potez était bien mieux adapté à l’utilisation prévue.

 

 

 

 

Plan-1-img372

 

Caractéristiques générales

 

Type :                                     Hydravion a coque  d’école et de liaison.

Equipage:                               2 + 2 passagers

 

Dimensions

 

Longueur:                              11,70 m

Envergure:                            15 m

Hauteur:                                3,62 m

Surface alaire:                       32 m²

 

Masse

 

Poids à vide :                         1778 kg

Poids total en charge :           2500 kg

 

Motorisation:

 

Proto n°01 et série :               Un Béarn 6D de 325 ch.

Sur proto n°02 :                     Un Potez 8D de 320 ch ( ?) puis un Béarn.

Hélice :                                    Tripale Ratier à pas réglable en vol

 

Performances

 

Vitesse maximale:                  220 km/h

Vitesse de croisière :              200 km/h

Vitesse d’amerrissage :           80 km/h

Autonomie :                             1000 km

Plafond pratique :                   5000 m

Réservoir essence:                 445 litres soit 250 l dans les réservoirs latéraux, 115 l dans le réservoir du fuselage et 125 l dans un réservoir supplémentaire ( ?).

Réservoir d’huile :                 35 litres

 

Moteur Béarn  6D:


  Plan-4-img389

 

Le moteur Béarn 6D était un 6 cylindres inversé, en ligne, refroidi par air. Il avait été conçu avant-guerre par l’ingénieur Chaumont (un ancien de la société SMRA, filiale de Renault-Aviation), pour la Société Mécanique du Béarn, (SMB). La SMB, qui était basée à Jurançon, était une filiale du consortium Brandt. La version 6D était dérivée du moteur Béarn 12 B de 850 ch (théorique) qui ne fut fabriqué qu’à 15 exemplaires.

 

Après-guerre la fabrication du moteur Béarn 6D avait été reprise par la SCEMM (Société de Construction et d’Exploitation de Matériels et de Moteurs) basée à Saint Etienne. Ce moteur peina pour être mis au point et il faut dire que les moteurs concurrents étaient eux bien au point, même s’ils étaient un peu moins puissants.

 

Les rares appareils prévus pour être équipés de ces moteurs n’eurent pas non plus beaucoup de succès, ce sont le SO-90A, le SE-700, ou le MB-30.

 

 

 

Caractéristiques du Béarn 6D

 

 

 

Moteur quatre temps 6 cylindres inversés à refroidissement par air à réducteur et compresseur centrifuge Béarn à roue élastique.

 

Alésage :                                            130 mm

Course :                                              135 mm

Cylindré totale :                                 10,75 litres

Rapport volumétrique :                      6,8 /l

Poids :                                                315 kg

Puissance au décollage :                  390 ch puis 425 ch (version 6D-13)

Puissance nominale au sol :                325 ch

 

Puissance à 2.300 m :                         350 ch

 

Puissance en croisière :                       230 ch.

 

Nombre construit :                             60 exemplaires.

 

 

Bibliographie : 

Bien peu de chose ont été publiée sur cet appareil, et ce qui est publié sur Wikipédia est sommaire et parfois erroné. 

La seule publication sérieuse sur cet appareil a été publiée dans un numéro complet du Trait d’Union n° 123, de janvier 1989, dans lequel notre ami Patrick Vinot-Préfontaine essayait de raconter l’histoire oubliée de la SCAN. (Le « Trait d’Union » est le journal publié par la branche française d’Air-Britain). 

Et aussi un petit livre sur les « Mémoires de la SCAN, les hydravions de Port-Neuf », récits et recueil de témoignages recueillis par le Comité de Quartier du Port-Neuf, publié en juin 2002. 

Nous avons aussi utilisé les rapports du CEV sur le SCAN 20 du 4 juillet 1946 et du 12 février 1947.

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

F
Bonjour, je suis contente de pouvoir lire ceci. mon père travaillait pour La SCAN, il dessinait des hydravions puis des fenêtres et constructions. Et c'était le cousin de Léon Douzille. Donc je suis bien contente de voir qu'il y a encore des gens qui s'intéressent à tout cela. Merci, j'ai vu la SCAN fermer et ça a été un choc pour moi car j'y allais souvent avec mon père. J'ai vu les manifestations devant, les tracts etc...C'était pas drôle ...C'est gars là étaient tous des passionnés en tout cas. C'était aussi une aventure...
Répondre
A
Oui mais il y a aussi le petit livre sur le sujet " Les hydravions de Port Neuf" , et aussi l'étude assez complete d e mon ami Vinot-Prefontaine sur le sujet, publié dans le Trait d'Union"avec des plan que je lui avait trouvé...

Présentation

  • : Le bloc-note de aerophile
  • : Receuil de reportages et de textes divers et variés sur l'histoire aéronautique pour faciliter la vie des chercheurs et des amateurs d'aviation.
  • Contact

Profil

  • aerophile
  • Je suis un historien aéronautique bien connu et j'ai publié de très nombreux articles, et j'ai visité de nombreuse base aérienne, en France et en Europe; ainsi que trois ouvrage sur: Les Autogires, les Loire 46, et les Bloch 174.
  • Je suis un historien aéronautique bien connu et j'ai publié de très nombreux articles, et j'ai visité de nombreuse base aérienne, en France et en Europe; ainsi que trois ouvrage sur: Les Autogires, les Loire 46, et les Bloch 174.

Recherche